À la rencontre du rarissime Loup d’Abyssinie

Loup d’Abyssinie immortalisé par notre guide Mathieu Bally

Loup d’Abyssinie - Photo Mathieu Bally

Partons aujourd’hui à la rencontre d’une espèce aussi fascinante que rarissime, le Loup d’Abyssinie (Canis simensis). Appelé aussi Loup d’Éthiopie, ce canidé est l’un des plus menacés et rares au monde, il ne reste aujourd’hui qu’environ 500 individus dans la nature. Endémique des hauts plateaux d’Éthiopie, cette espèce aux couleurs flamboyantes est tout simplement une merveille de la nature. Il a l’élégance d’un renard, l’appétit d’un loup et porte de longues oreilles rappelant celles du fennec.

Description et critères d’identification

Le Loup d’Éthiopie est taillé pour l’endurance, un corps élancé, haut sur pattes, parfait pour parcourir les prairies afroalpines. Mesurant 60 cm au garrot pour 11 à 19 kg, les mâles sont légèrement plus lourds que les femelles. Son pelage est dominé par des teintes fauves mais la gorge, l’avant des pattes et la base de la queue sont recouverts de blanc. Son museau est caractéristique du genre Canis, long et affûté, à l’odorat implacable.

Répartition géographique  

Ce magnifique canidé sillonne les prairies et les landes afroalpines d’Amhara, région de l’Éthiopie centrale. Pour fuir la pression humaine, notamment l’extension des pâturages, l’espèce s’est réfugiée depuis plusieurs décennies au-delà de 3000 mètres d’altitude et peut survivre jusqu’à plus de 4000 mètres. À ces altitudes la végétation est rase, mais abrite de nombreuses espèces animales et végétales endémiques.  

Le Loup d’Éthiopie compte deux sous-espèces, Canis simensis simensis et Canis simensis citernii, qui évoluent dans des massifs montagneux distincts :

  • le Balé (sud-est de la Vallée du Rift)

  • le Simien (nord-ouest de la Vallée du Rift),

Entre ces deux régions protégées par des Parcs Nationaux, des populations résiduelles subsistent, mais doivent faire face à des pressions constantes (voir partie Menaces).

Carte de répartition des principales populations du Loup d’Abyssinie

Carte de répartition des principales populations du Loup d’Abyssinie

Où observer le Loup d’Abyssinie ?

Les meilleurs endroits pour observer ce discret loup sont les Parcs nationaux d’Éthiopie, où l’espèce est protégée. Le plateau du Sanetti dans Parc National du Mont Balé et les monts Imet Gogo et Chenek dans le Parc National du Mont Simien sont particulièrement propices aux rencontres avec ce magnifique prédateur.

Biologie / écologie de l’espèce

  • Comportement

Comme la plupart des espèces de loup, le Loup d’Abyssinie est rassemblé en groupe familiaux et territoriaux sous forme de meute, de 6 à 15 individus environ. La meute est menée par un couple dominant et les individus patrouillent régulièrement aux limites de leurs territoires pour dissuader les éventuels intrus.

Les liens sociaux sont particulièrement importants et renforcés par le jeu, très présent dans l’élevage des louveteaux. Pour communiquer, l’espèce utilise, comme les autres canidés, diverses vocalisations, cris, plaintes, etc.

  • Régime alimentaire

Bien que les individus de la meute se regroupent la nuit, ils se dispersent en journée pour chasser en solitaire. Essentiellement diurnes, ces loups sont actifs aux mêmes moments que leurs proies, dont leur survie dépend. Cependant, dans les régions exploitées par l’homme (spécifiquement dans la région du Simien), ils ont tendance à se faire plus discrets et sortent au crépuscule voire de nuit.

Le Loup d’Abyssinie est carnivore et se nourrit essentiellement de rongeurs (à 96% d’après Sillero-Zubiri et Gottelli, 1995). Le rat-taupe géant (Tachyoryctes macrocephalus), une espèce également endémique d’Éthiopie, semble être la proie de prédilection. Il reste néanmoins assez opportuniste et se délecte volontiers de lièvres, charognes, jeunes antilopes et de damans des rochers (un mammifère tout à fait singulier, ressemblant à une petite marmotte).

  • Reproduction

Le couple dominant produit une portée par an, composée de 2 à 6 petits. La gestation dure 60 jours. Les petits sont ensuite élevés pendant les 3 premières semaines à l’abri d’une tanière. L’ensemble de la meute s’occupe des louveteaux qui commenceront à chasser dès 6 mois et atteindront leur maturité sexuelle à l’âge de 2 ans.  

  • Dynamique des populations

Les effectifs de Loup d’Abyssinie sont extrêmement faibles, moins de 500 individus subsistent à l’état sauvage, soit 6 populations distinctes, composant 122 meutes. Plus de la moitié vivent dans le Parc national du Mont Balé (300 individus, soit 12 meutes). Dans la nature, l’espérance de vie des individus de cette espèce ne semble pas excéder 10 ans, et aucun individu n’est détenu en captivité.

Statut juridique et de conservation de l’espèce

Dans les années 1990, l’espèce alors classée dans la catégorie « en danger critique » d’extinction par l’UICN, a bien failli disparaître à tout jamais. Grâce aux efforts de conservation mis en place par le gouvernement éthiopien, les effectifs ont légèrement ré-augmentés. Le Loup d’Abyssinie est aujourd’hui « en danger » d’extinction, mais la bataille pour sa survie est loin d’être gagnée.

Menaces principales

La croissance de la population humaine en Éthiopie est plus rapide que nulle part ailleurs en Afrique. Par conséquent, les prairies montagneuses sont perquisitionnées, au détriment des territoires des loups, pour l’agriculture et l’élevage extensif. Ces terres afroalpines, au sol riche et fertile et recevant de fortes précipitations, représentent un secteur de choix pour le pâturage du bétail (chèvres et moutons) et l’installation des agriculteurs. D’après l’UICN, 60% des terres au-dessus de 3 200 m d’altitude sont aujourd’hui exploitées par des fermiers.

Malheureusement, la cohabitation entre grand prédateur et éleveurs de bétail est souvent source de conflits. Les confrontations sont fréquentes et les fermiers n’hésitent pas à mener des représailles meurtrières à l’encontre des loups.

Le développement de l’agriculture et l’aménagement de ces vastes territoires ont fortement fragmenté l’habitat naturel du Loup d’Éthiopie. L’isolement des populations a des conséquences importantes concernant le brassage génétique. En effet, les individus sont de plus en plus éloignés les uns des autres, il n’y a donc presque plus d’échanges de gênes entre les populations. L’espèce devient alors très sensible aux changements environnementaux et aux maladies.

De plus, les groupes isolés sont particulièrement sensibles aux accidents routiers et la confrontation avec d’autres espèces domestiques carnivores comme les chiens errants.

Depuis plusieurs décennies, une importante hybridation est observée dans certaines régions (Vallée du Web), entre les chiens domestiques et les loups éthiopiens. Ce phénomène appauvrit également le patrimoine génétique de l’espèce et pourrait, s’il s’étend à d’autres territoires et populations de loups, nuire à l’intégrité génétique de l’espèce.  

En tant qu’espèce endémique et ayant des effectifs extrêmement bas, le Loup d’Éthiopie est particulièrement sensible aux épizooties, les maladies frappant brutalement une espèce animale. Comme la plupart des canidés sauvages, il est confronté aux agents pathogènes transmis par les chiens domestiques et principalement la rage, très virulente et souvent mortelle. L’espèce a dû faire face, ces 30 dernières années à de nombreuses épidémies de rage, entrainants brutalement la mort de plusieurs dizaines d’individus. Cependant, de nombreux acteurs du territoire éthiopien (Ethiopian Wildlife Conservation Authority, Ethiopian Wolf Conservation Programme - EWCP, les gestionnaires d’aires protégées, le gouvernement, etc.) se sont alliés pour mettre en place une stratégie de gestion intégrée contre les maladies. Des mesures ont été instaurées pour diminuer les contacts chien-loup, contrôler et détecter la présence des maladies et enfin vacciner en prévention ou en urgence les chiens de bergers et les loups si une épidémie est confirmée. L’EWCP a récemment développé un vaccin par voie orale, qui permet une vaccination plus large et moins stressante pour l’animal, un comprimé est inséré dans un bout de viande, le loup n’a plus qu’à se régaler !  

Loup d’Abyssinie, image de notre guide Jérémy Gremion

Loup d’Abyssinie - Photo Jérémy Gremion

Futur de l’espèce

Le Loup d’Abyssinie fait, depuis les années 1980, l’objet d’un suivi scientifique à long terme. Les populations sont étudiées de près par le EWCP et des recherches sont menées sur l’écologie, le comportement et la dynamique des populations de loup. De nombreux spécimens sont équipés d’un dispositif GPS, permettant de suivre au quotidien les mouvements et déplacements des meutes. L’ensemble de ces dispositifs permet d’avoir de connaissances toujours plus précises et de contrer et anticiper les différentes menaces incombant l’espèce. Pour renforcer et maintenir la variabilité génétique de l’espèce, les scientifiques et gestionnaires ont commencé à pratiquer la translocation de conservation, qui consiste à prélever des loups dans des populations saines et stables (localisées dans les Parcs nationaux) pour les relâcher dans des populations existantes, mais affaiblies ou dans des zones où l’espèce était présente, mais a disparue récemment. Ces transferts permettent de redynamiser d’un point de vue génétique la population réceptrice, mais aussi d’augmenter ses effectifs et d’élargir l’aire de répartition du loup. Aujourd’hui, malgré ces efforts de conservation constants, la population de loup diminue inexorablement et l’avenir de l’espèce reste tout de même incertain.

Partez à la rencontre de ce merveilleux loup

En partant à nos côtés à la rencontre de cette espèce mythique, vous contribuez à sa conservation, car 10 % des bénéfices de votre séjour sont automatiquement reversés à la Ethiopian Wildlife and Natural History Society qui œuvre pour la sauvegarde des espèces éthiopiennes.

Lors de notre voyage naturaliste en Ethiopie, nous parcourrons le Parc national du Mont Balé pendant plusieurs jours à la recherche du Loup d’Abyssinie, mais aussi d’autres espèces endémiques comme le magnifique Nyala des montagnes.

Manon


Références  

Ashenafi, Z. T., Coulson, T., Sillero-Zubiri, C. & Leader-Williams, N. Behaviour and ecology of the Ethiopian wolf (Canis simensis) in a human-dominated landscape outside protected areas. Animal Conservation 8, 113–121 (2005).

Atickem, A., Bekele, A. & Williams, S. D. Competition between domestic dogs and Ethiopian wolf (Canis simensis) in the Bale Mountains National Park, Ethiopia. African Journal of Ecology 48, 401–407 (2010).

Gottelli, D. et al. Molecular genetics of the most endangered canid: the Ethiopian wolf Canis simensis. Molecular Ecology 3, 301–312 (1994).

Sillero-Zubiri, C. & Gottelli, D. Diet and Feeding Behavior of Ethiopian Wolves (Canis simensis). Journal of Mammalogy 76, 531–541 (1995).

Vial, F., Macdonald, D. W. & Haydon, D. T. Limits to exploitation: dynamic food web models predict the impact of livestock grazing on Ethiopian wolves Canis simensis and their prey. Journal of Applied Ecology 48, 340–347 (2011).

Le loup d’Ethiopie, l’un des canidés les plus rares de la planète. https://www.especes-menacees.fr/loup-ethiopie-abyssinie/ (2019).

Ethiopian Wolf. https://www.ethiopianwolf.org/.

The IUCN Red List of Threatened Species. IUCN Red List of Threatened Species https://www.iucnredlist.org/en.

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